Bien que très représentatif de l’environnement floral, l’art minoen nous apporte peu de preuves de l’existence de jardins. Le témoignage le plus intéressant nous vient de la « Villa des lis » d’Amnisos. Située à 7 km à l’est d’Héraklion et datée du Minoen Récent IA (environ 1600-1480 av. J.-C.), cette villa tient son nom d’une magnifique fresque représentant des lis, des iris, de la menthe ou de la sauge. Les restitutions réalisées à partir des fragments découverts par Spyridon Marinatos entre 1929 et 1938 nous montrent une femme, bien que les fragments ne prouvent pas sa présence, se promenant dans un paysage fleuri et aménagé. Les fleurs poussent dans des formes architecturales concaves, alors que d’autres émergent du sol avec des créneaux en arrière-plan faisant office de mur. Une frise faite de cercles et de papyrus stylisés, qui se trouve sous la jeune femme, peut être interprétée comme une sorte d’allée décorée. Mais concrètement, est-ce que l’archéologie nous apporte des preuves de l’existence de jardins minoens ? Malheureusement, non. Les archéologues ne peuvent qu’émettre des hypothèses pour identifier certains espaces comme d’antiques jardins : zone proche d’un portique, à côté de citernes, espace vide de toutes structures, terrasses sur des collines environnantes,…L’hypothèse la plus originale a été proposée en 1993 par l’archéologue américaine Maria Shaw. Elle propose de voir un jardin au palais de Phaistos, dans l’affleurement rocheux qui offre une vue imprenable sur la plaine de la Messara. Ce qui l’a incitée à voir un jardin en ce lieu est la présence de cavités dans le rocher, d’origine naturelle ou faites par l’homme (Shaw 1993). Ces trous, d’un diamètre compris entre 10 et 20 cm et d’une profondeur de 6 à 10 cm pouvaient notamment servir de réceptacles pour des fleurs (par exemple, le bulbe du crocus peut être enterré à une profondeur d’environ 7 cm). Un peu d’archéologie expérimentale a été tentée en déposant des fleurs dans l’un de ces trous et le résultat est plutôt convaincant. Espérons qu’un jour, en Égée, un espace pourra clairement être identifié comme un jardin grâce par exemple à la découverte de restes botaniques. Mais il faudrait des conditions optimum de conservation comme sur le site d’Akrotiri à Santorin, où, grâce à l’éruption volcanique qui l’a rendu célèbre, des graines carbonisées ont été découvertes dans des jarres de stockage. Comme nous le faisons aujourd’hui dans les parcs et les jardins (c’est d’ailleurs en me promenant au jardin botanique de Strasbourg que m’est venue l’idée de ce petit article), on imagine très bien les Minoens profiter de ces lieux pour se reposer, se détendre, tout en profitant de la beauté des fleurs et de leurs parfums.

À bientôt pour de nouvelles aventures florales…

Emilie Balduini

Pour aller plus loin : M. Shaw, « The Aegean Garden », American Journal of Archaeology, 97.4, 1993, p. 661-685.