La nuit du 20 avril 2003, j’avais très mal dormi à l’hôtel Irini d’Héraklion. Peut-être avait-ce été l’abus de retsina pris Place Vénizelou, ou bien le vent qui soufflait sur le port. Plus probablement était-ce l’afflux des émotions qui m’avaient submergé pendant cette semaine que nous avions passée en Crète. Notre première découverte de l’île, grâce à l’association Alsace-Crète. Les sites minoens, les couvents orthodoxes, les plages sublimes, les randonnées dans les gorges… Mais aussi les rencontres que nous avions faites, avec Nikos à Sivas ou Maria Philipakki sur le plateau de Lassithi… Les déesses aux serpents du musée d’Héraklion m’ont hanté toute la nuit, tandis que j’errais dans les grottes troglodytiques de Matala, que je marchais, ébloui, dans la lumière de Phaestos, que mes oreilles bourdonnaient de la rumeur de la fontaine Morosini, et que dans mon ventre les boubouristi et le raki de Michaelis dansaient la sarabande.

Alors, au matin, dans l’avion qui nous ramenait à Entzheim, j’ai rempli mon carnet. Une vingtaine de pages. Des impressions, des émotions, des personnages, des paysages. Pas un journal de voyage. Non. Parce que je suis romancier, c’est une trame, totalement fictive, qui s’est mise en place. Mais parce que je suis un romancier sans aucune imagination, cette trame s’est tissée autour de lieux, de personnes, d’anecdotes, de sentiments, qui s’étaient imprégnés en moi pendant cette semaine. Quand l’avion s’est posé sur la terre alsacienne, mon roman crétois avait pris forme. Je n’avais plus qu’à m’écrier comme Racine (toutes proportions gardées !) : « Mon œuvre est prête, il ne me reste plus qu’à l’écrire ».

C’est ce que j’ai fait l’année suivante. Le dédicataire était tout trouvé : « A Jean-Claude Schwendemann, auquel je dois ma découverte éblouie du nombril des mers ». C’était bien le moins ! Et le roman arrive dans les librairies pour les dix ans d’Alsace-Crète : joyeux anniversaire !

Un Alsacien au régime crétois, Gabriel Schoettel, Le Verger éditeur