L’année 2019 sera très importante pour l’Europe. En fait, de quelle Europe voulons-nous ? D’une Europe frileuse, d’une Europe égoïste, d’une Europe repliée sur elle-même où prospèreraient tous les nationalismes voire les populismes ? Ou d’une Europe solidaire, ouverte sur les autres à l’image de la Grèce ?

La Grèce est l’un des pays les plus pauvres d’Europe, confrontée de surcroit à une crise sans précédent et dramatique au cours des dernières années.

Et pourtant, malgré la crise qui a bouleversé la société grecque, selon les statistiques du HCNUR, la Grèce a accueilli depuis 2014 un total de 1 174 140 réfugiés et migrants. La plupart, soit 1 137 060 sont arrivés par voie de mer tandis que 37 080 sont arrivées par voie de terre. Le pic ce cet afflux a eu lieu en 2015, quand un total de 861 630 a été enregistré. Rien que sur l’île de Lesbos, on comptait 3000 arrivées par jour au cours de l’été 2015. Le nombre connu de personnes qui a péri en mer était de 1878, mais ce chiffre est probablement bien plus élevé.

Les exemples sont nombreux de ces Grecs qui ont témoigné de leur solidarité dans cette grave crise des migrants et réfugiés. On peut citer l’association « Hellenic Rescue team » et Efi Latsoudi, dont le travail admirable en pleine crise migratoire a été récompensé en 2016 par la prestigieuse Médaille Nansen remise chaque année à Genève par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés. La « Hellenic Rescue team » a sauvé en mer des milliers de personnes en détresse, au large des îles de Lesbos, Kos et Samos, tandis que Efi Latsoudi a accueilli dans le village de Pipka à Lesbos jusqu’à 30 000 réfugiés, dont de nombreux cas particulièrement vulnérables.  On peut aussi citer ces restaurateurs qui accueillent quotidiennement et gratuitement des réfugiés affamés, ces pêcheurs de Mytilène qui, au péril de leur vie, abandonnent leur travail pour sauver des vies humaines, ces témoins de ce drame comme le photographe Yiannis Behrakis, et tous ces anonymes, tous ces héros que nous ne pouvons tous citer dont la valeur égale celle des héros de la mythologie.

Nous rendons un humble hommage à trois d’entre eux. Ils nous ont malheureusement quittés tous les trois prématurément :

Dionissios Arvanitakis, le boulanger de Cos qui distribuait gratuitement son pain et qui disait : « Comment peut-on être insensible quand on voit des petits enfants de Syrie, d’Afghanistan tomber et manger de la terre, nous tendre la main en montrant le pain et en disant « mam » ?

Kyriakos Papadopoulos : le capitaine de Lesbos, garde côte au grand cœur. Il s’est sacrifié  pour sauver des milliers de personnes en détresse en Méditerranée. Son héroisme a été immortalisé dans le documentaire bouleversant « 4.1 Miles » de Daphné Matziaraki. Il est devenu le symbole d’une détermination collective de la Grèce. Lui-même était descendant de réfugiés d’Asie Mineure.

Iannis Behrakis, ce journaliste photographe de renommée internationale décédé prématurément récemment. Son engagement inconditionnel, au péril de sa vie, a été récompensé par plusieurs prix internationaux. Il a passé sa vie à témoigner des désastres de la guerre, de la douleur de l’exil. Il disait : « Je souhaite devenir la voix des persécutés et les yeux du monde entier » Ou encore : « En regardant mes photos et mes reportages, plus personne ne pourra dire : « Je ne savais pas ».

Cette Grèce  est porteuse des valeurs européennes. C’est cette Grèce que le Ministre Fotis Kouvelis a si bien décrite lors de la disparition de Kyriakos Papadopoulos : « Il (Kyriakos) a démontré comment au cœur de la crise économique et sociale, la Grèce est restée fidèle aux valeurs humanitaires de sa culture, qui doivent être les valeurs de l’Europe »

Alors, soyons solidaires de cette Grèce solidaire, de cette Grèce qui hébergeait fin janvier de cette année  72 300 réfugiés et migrants, dont 14 550 sur les îles. Et continuons à promouvoir  le concept d’un « partage du fardeau » plus équitable au sein de l’Europe, au sein d’une Europe plus fraternelle, à l’image de la Grèce. C’est le vœu que nous formulons à la veille des élections européennes où nous serons appelés à voter le 26 mai en France comme en Grèce.

Natacha Ficarelli, Présidente de Maison d’Europe Strasbourg Alsace (MESA),

Françoise Lauritzen membre du Bureau de la MESA

Jean-Claude Schwendemann, Président de l’association Alsace-Crète