En ce printemps 2006, j’ai fait mes premiers pas en Crète mais n’y ai point vu de pâquerettes, bien que ce fût la Semaine Sainte orthodoxe !

Etant, en matière crétoise, un total néophyte (« novice » eût été déplacé dans un contexte hellénisant), je ne sais trop ce qui, pour moi, caractérise le mieux cette île.

Est-ce le voisinage de la mer et de la montagne, celui des innombrables espèces florales et d’une culture multiséculaire, la palette chatoyante alliant le bleu transparent des flots, le blanc de neiges encore présentes sur l’Ida, le mauve éclatant des ficoïdes, le jaune des genêts et le vert lumineux des prés dans la lumière matinale ?

Sont-ce les senteurs variées des herbes et des buissons de la garrigue, les odeurs des cierges et de l’encens dans les églises, le fumet des moutons grillant à la broche ?

Est-ce le goût toujours présent de l’huile d’olives, la douceur acide des oranges fraîchement cueillies ou la puissance – somme toute relative – du raki ?

Sont-ce les psalmodies des moines ou des popes montant sous les voûtes ou les coupoles, les chants fervents de la population en procession, les envolées péremptoires d’un Sundgovien installé en Crète, les rafales des pétards ou le crépitement du bûcher dans la nuit pascale ?

Est-ce la morsure des « coussins de belle-mère », la douceur du calcaire poli des monuments anciens, la finesse du sable des plages ou la caresse de l’eau de la mer de Libye sur la peau ?

Ce ne sont que quelques aspects de l’« île des dieux » que j’ai découverts, mais il me semble que la Crète, qui touche tous les sens, est bien plus que cela.

Jean-Pierre Beck