Chers.es amis.es et membres d’Alsace-Crète,

Mikis Theodorakis vient de nous quitter.

Une perte incommensurable!
C’était un musicien immense et un non moins grand militant.
Le meilleur hommage que je puisse rendre à ce grand homme d’origine crétoise est de partager avec vous le résumé de sa biographie que j’avais écrit il y a quelques années.
Je suppose qu’aujourd’hui et dans les jours à venir la Grèce va retentir, vibrer et pleurer au son de sa musique qui restera éternelle.

Jean-Claude Schwendemann,
Président de l’association Alsace-Crète

 

VIE ET OEUVRE DE MIKIS THEODORAKIS

 

Mikis Theodorakis n’est pas né en Crète mais ses aïeux sont crétois. L’un d’eux a été torturé et assassiné par les Turcs à Chania en 1821 ; un autre est l’auteur de l’hymne national crétois. Pendant toute son enfance, il a été nourri par son père et son grand-père des histoires crétoises où David est opposé à Goliath et où David l’emporte toujours.

Son père, Yorgos, fonctionnaire, devra fuir Smyrne en 1922 et s’installera à Syros puis à Chios où naît Michaelis en 1925. La famille Theodorakis déménagera dans plusieurs îles avant de s’installer dans le quartier athénien de Nea Smyrni. Très jeune, il est nourri de la musique des réfugiés, des rizitika, des chansons de table crétoises, et de chants de la liturgie byzantine.

Son oncle maternel décide de l’appeler Mikis, « un véritable travers dont je ne suis parvenu à me débarrasser malgré tous mes efforts ».

Son père est nommé gouverneur délégué d’Epire à Ioannina par son ami Venizelos. C’est là que le jeune Mikis va à l’école et qu’il aide le pope dans ses services religieux.

Après la défaite de Venizelos en 1932, son père est muté à Cephalonie. Mikis y découvre les chansons des îles ioniennes et l’Epitaphios qui deviendra plus tard sous la plume d’Iannis Ritsos la lamentation d’une mère devant le corps de son fils assassiné par la police lors d’une manifestation à Thessalonique.

En 1937, à 12 ans, il s’achète son premier violon et un harmonica. Il fréquente le conservatoire de Patras où a été muté son père et compose ses premières musiques. Muté à nouveau, son père emmène sa petite famille à Pyrgos. Méprisé par ses camarades de classe, Mikis trouve refuge dans la musique.

En 1940, son père est muté à Tripolis dans le Péloponnèse où la famille vivra l’occupation nazie jusqu’en 1943. Avec des amis il fonde le « Cénacle philosophique » où il développe « une de ses visions philosophiques essentielles, celle de l’harmonie universelle » (Guy Wagner)

Il compose ses premières musiques et, tout en se disant « sans Dieu », il écrit de la musique religieuse.

Le 25 mars 1943 -il a 21 ans- il participe à une manifestation de l’EAM, mouvement de résistance communiste et de gauche. Il y frappe un officier italien et il est fait prisonnier et torturé pour la première fois de sa vie. En prison il est initié au communisme et, à sa sortie, il adhère à l’EAM. Il écrit alors des chants de lutte.

Il échappe ensuite à la Gestapo et part pour Athènes où il est admis au conservatoire. Il est arrêté et torturé par les S.S. Et sauvé de la mort parce qu’il est musicien !

En octobre 1944 Athènes est libérée.

Le 9 octobre 1944, Churchill et Staline se partagent les Balkans : d’un trait de crayon, la Roumanie et la Bulgarie tombent dans le giron soviétique et la Grèce dans le giron britannique.

Les résistants grecs se sentent trahis par les Britanniques et ils sont traqués et arrêtés. Le 3 décembre 1944, les Britanniques – le nouvel occupant dont le but est d’éliminer l’EAM- tirent sur la foule qui manifeste : 70 morts !

Des résistants, les libérateurs de la Grèce, sont déportés, tués jusqu’aux accords de Varkiza où le 13 février 1945 l’ELAS, la branche armée de l’EAM, dépose et rend ses armes.

Et ce sont les collaborateurs des nazis qui sont mis au pouvoir !

Theodorakis se consacre à la musique et à la résistance. Pour lui, les deux sont liées : « Tel que je le concevais, l’art avait à accomplir une mission, bien au-delà de la satisfaction qu’il nous procure ».

Il compose alors la Symfonia N.1, puis Le Cimetière.

Mais Mikis le résistant est poursuivi et lynché comme ses camarades. Il doit la vie sauve à son père, fonctionnaire à la Préfecture.

Les « escadrons de la mort » font la chasse aux communistes.

Le 26 mars 1946, Mikis frappe un policier ; un autre lui fend le crâne avec son revolver. Il est laissé pour mort. Les nationalistes prennent le pouvoir la même année, avec l’appui des Britanniques et des Américains. C’est le début de la guerre civile.

En 1947, Mikis compose Onze préludes pour piano, puis, entre autres, Themata kai Kikli et To Panighiri tis Asi-Gonias, un hommage à la Crète, terre de ses ancêtres, sa première œuvre symphonique jouée en public. Le  5 juillet 1947, 10000 personnes sont arrêtées à Athènes dont Mikis Theodorakis, déporté à Psitalia puis à Ikaria en face de Chios, son île natale. C’est dans cette île qu’il découvre la musique laïque en entendant chanter Le Capetan Andreas Zeppos qui deviendra un des thèmes majeurs du ballet Carnaval grec et aussi de la version chorégraphique de Zorba le Grec. Mikis compose de nombreuses musiques. En septembre 1947, les prisonniers sont libérés. Il entre en clandestinité dans de très mauvaises conditions (une affection pulmonaire dégénèrera plus tard en tuberculose dont il souffrira toute sa vie).

Εn mai 1948, Mikis est à nouveau arrêté et déporté à Ikaria où la détention est plus dure qu’auparavant. Plusieurs de ses amis sont morts après avoir été torturés. De cette époque-là, Mikis est persuadé que l’homme est immortel : il croit en « la dissolution de notre corps en particules qui remplissent le Cosmos et qui donnent après notre dissolution le goût du vin et de l’olive ». Comme il persiste à ne pas signer la « déclaration de repentir et de loyauté », le directeur de la gendarmerie lui fracasse le crâne et le laisse pour mort dans les toilettes. Il y compose une des partitions de Trois exercices pour deux violons et un violoncelle.

Début 1949, il est embarqué pour Makronissos, face au Cap Sounion. Dans ce camp financé en partie par les Américains, on pratique la falanga. Mikis est mis au camp des « indomptables ». Les tortures physiques et mentales sont horribles. On lui brise une jambe, trois côtes, il n’a plus qu’un œil valide…

Mais Mikis arrive à résister : « Grâce à ma famille, j’avais déjà en moi l’essence crétoise comme une valeur intérieure, cela se démontre dans mon attitude sur l’île de Makronissos, début 1949, quand après de nombreux interrogatoires il me fut demandé par mes tortionnaires qui j’étais donc pour ne pas vouloir signer la déclaration de repentir. Je n’ai alors pas répondu : Parce que je suis communiste, bien que j’en aie été un, et que pour cette raison je me sois trouvé dans cette situation. Mais j’ai répondu : Parce que je suis Crétois ».

Ce qui l’aide aussi à survivre et le sauve, c’est la musique. Vu son état, il est envoyé à l’hôpital militaire d’Athènes car on ne doit pas mourir à Makronissos. Il est tellement défiguré que son père ne le reconnaît pas. Même à l’hôpital il est frappé. Et malgré cela il compose ou termine des partitions commencées à Makronissos.

Fin mai 1949, il retourne à Makronissos où les tortures sont plus terribles encore, indescriptibles. Il échappe encore à la mort. Il est libéré pour accomplir son … service militaire mais, vu son état, il est dispensé. Il a 25 ans. Il part pour la Crète découvrir le pays de ses ancêtres : « Je me souviens très bien que je pouvais sentir l’île avant de la voir depuis le bateau – cette étrange odeur de limons. Ensuite j’ai vu à l’horizon une brume blanche sur la mer et peu après, j’ai vu se découvrir les sommets blancs de la Montagne Blanche. Ces détails dont la plupart des gens ne sont la plupart des gens ne sont certainement pas capables de se rendre compte, me transforment en Crète comme une cellule à l’intérieur de l’organisme de l’île, en une cellule qui réagit selon la sensibilité spécifique de la Crète. En Crète, je me sens toujours comme un « initié. C’est ainsi qu’à mon premier voyage j’ai reconnu les objets – les arbres, les maisons, les hommes- de façon imprécise, comme s’ils étaient dans l’humidité de la brume, de sorte que je ne savais pas si c’étaient vraiment des arbres, des maisons, des hommes ou seulement leur reflet – un reflet non seulement de mon imagination, mais issu de la fantaisie de la Crète même. À présent, je sais que c’étaient les deux à la fois, à savoir la fusion du mythe que je portais en moi, et de ce paysage particulier qui n’existe nulle part ailleurs en Grèce ».

En Crète aussi il est arrêté, torturé, et une fois de plus il doit son salut à son père qui le sort de prison et le ramène à la maison où sa mère s’évanouit en le voyant et perdra la raison.

La musique le sauve aussi : il étudie Beethoven, la relation entre la musique byzantine et le rebetiko. En 1950, il termine son service militaire ; devant les menaces de torture il absorbe de la poudre et tombe dans le coma. Puis il est bastonné et à nouveau sauvé par son père. Retour en Crète où il est démobilisé en 1952. Son corps souffre atrocement des conséquences de ses tortures. Sa fiancée Myrto qui est médecin le soigne. Il ne trouve pas de travail, compose, écrit quelques articles…

Grâce aux États-Unis, la droite résiste à la progression de la gauche. Theodorakis commence à gagner un peu d’argent et peut épouser Myrto en 1953. Un an plus tard, ils peuvent quitter la Grèce pour des études en France.

Mikis travaille beaucoup, se lié avec des professeurs français, avec Iannis Xenakis. Ses compositions s’inspirent beaucoup des musiques traditionnelles crétoises. Il compose aussi des musiques de ballets, de films. Myrto et Mikis auront deux enfants nés à Paris : Margarita et Georgios.

En 1958, Iannis Ritsos lui envoie son poème Epitaphios. Il a l’audace de le mettre en musique dans la forme la plus méprisée alors, le rebetiko. Il a en effet décidé de faire de la musique pour le peuple et non pour une élite. L’instrument choisi : le bouzouki de Manolis Chiotis; la voix: celle de Bithikotsis préférée à celle de Nana Mouskouri  jugée trop « doucereuse ». L’accueil du peuple grec est triomphal ; celui de la bourgeoisie « irritée, agacée, voire horrifiée » (Guy Wagner). La « querelle des Epitaphios » symbolise l’opposition entre la musique populaire et la musique symphonique. Et aussi entre le peuple et l’élite. Il compose ensuite Politia, Archipelagos et Mikres Kyklades (poèmes d’Odysseas Elytis), Epiphania…

En 1961, il retourne en Grèce avant les élections législatives pour une tournée de concerts, particulièrement à Eleusis et Héraklion. Puis dans le Nord où sa musique interdite empêche les concerts de se tenir. Il revient à Athènes qui l’accueille triomphalement. À Londres et Stuttgart il dénonce les méthodes terroristes des fascistes qui préparent les élections. Il est menacé de mort mais revient en Grèce. Les élections sont truquées avec l’appui de l’ambassade U.S. Et l’ERE, le parti de Karamanlis, l’emporte avec 50,81% des voix. Les manifestations se multiplient. Theodorakis y apporte sa part en écrivant des chansons de lutte.

En 1962 il est hospitalisé à Londres en raison de sa tuberculose contractée à Makronissos. Dans les années 60, il compose la musique de nombreux films dont Phaedra de Jules Dassin (1962), L’Otage de Brendan Behan (1962) et Electra de Cacoyannis (1962), Zorba le Grec (1964), I Gitonia ton Angelon (1963), Z de Costas Gavras avec la chanson To Yelasto Pedi (1969). Pour le théâtre il compose entre autres La Ballade du Frère mort (1960-1961) où il s’attaque au sujet tabou de la guerre civile. Pour Theodorakis il ne s’agit pas d’opposer les « bons » et les « méchants » mais de faire réfléchir les Grecs sur eux-mêmes. Mais il est attaqué par la Droite et la Gauche.

Après Axion Esti  en 1964 -un de ses plus grands succès-, Theodorakis compose, en 1965 et 1966, Mauthausen de Iakovos Kambanellis et Romiossini de Iannis Ritsos. On ne peut parler de la musique de Theodorakis sans évoquer ses interprètes : Bithikotsis, Mary Linda, Dora Giannakopoulou, Arleta, Antonis Kaloyannis, Aphroditi Manou, George Dalaras, Margarita Zorbala, Mélina Mercouri, Irène Papas, Angélique Ionatos et surtout Petros Pandis et Maria Farantouri.

En 1963, le député indépendant de gauche Grigoris Lambrakis, Président du « Comité pour le désarmement et la paix », organise la première marche de Marathon où des milliers de gens sont arrêtés dont Theodorakis et Ritsos.

Le 22 mai, lors d’un rassemblement à Thessalonique, Lambrakis est victime d’un attentat. Devant l’hôpital, la foule chante l’Epitaphios en présence de Theodorakis et de Glezos. Lambrakis meurt le 27 mai. Un demi-million de personnes suivra son cercueil en scandant Zei (il est vivant). Theodorakis devient Président des Lambrakides, le Mouvement de Jeunesse Démocratique Grigoris Lambrakis. Son programme : l’éducation de la jeunesse grecque.

Le 1er ministre Caramanlis démissionne et s’exile à Paris. Aux élections du 16 février 1964, Theodorakis est élu député du Pirée et il organise la deuxième Marche de la Paix de Marathon. Il s’oppose au 1er Ministre Georges Papandreou sur un certain nombre de dossiers dont le pouvoir confirmé de la Cour royale et la participation d’anciens collaborateurs au pouvoir. Il milite également pour l’indépendance de Chypre (il écrit la musique du film L’île d’Aphrodite, ce qui lui vaut des menaces de mort de l’extrême droite.  La situation est tendue entre le 1er Ministre et le Roi. Papandreou démissionne. Suit une période d’instabilité. Au cours d’une manifestation, un jeune manifestant, Sotiris Petroulas, est tué par la police. Devant l’impossibilité de récupérer le corps, Theodorakis écrit le Chant funéraire pour Sotiris Petroulas. Le corps est rendu à sa mère. La foule défile pour accompagner le cercueil.

Le Roi accuse les communistes et la Gauche d’être à l’origine de l’agitation. Les 1ers ministres se succèdent ; le Roi viole la Constitution…

Le 14 avril 1967, le 1er Ministre dissout le parlement ; de nouvelles élections doivent avoir lieu le 28 mai qui pourraient être un plébiscite contre le Roi. Ce dernier actionne le Plan Prométhée de l’OTAN qui prévoit l’intervention de l’armée en cas de prise de pouvoir par les communistes. Le coup d’Etat a lieu le 21 avril.

Des milliers de personnes sont arrêtées, communistes ou soupçonnées de l’être : hommes politiques (Giorgios et Andreas Papandreou…), intellectuels, artistes, poètes (Iannis Ritsos…), scientifiques, universitaires…

Parqués dans les stades, ils sont envoyés et incarcérés dans l’île de Yaros, à Léros, Nea Halicarnasos en Crète.

Selon le colonel Pattakos, « il n’y a pas de détenus politiques en Grèce. Il n’y a que des communistes enfermés … Les détenus gardés à Yaros sont privilégiés. Ils y passent de véritables vacances. Ils se baignent dans la mer. La nourriture est excellente, même meilleure que celle des soldats. Et tout cela aux frais de l’Etat…. »

La délation est organisée même dans les familles. On pratique toutes sortes de tortures physiques et psychiques.

En fait, le coup d’Etat des colonels du 21 avril 1967 a précédé de quelques jours un putsch préparé par les Américains avant les élections.

Mikis Theodorakis, encore libre, entre en clandestinité, rédige deux appels à la résistance, fonde le Front patriotique et publie un journal de résistance. Sa musique et ses chansons sont interdites.

Il est finalement arrêté le 21 août 1967.

Malgré les tortures, il compose Epiphania et Mithistorima.

Les prisonniers bénéficient d’une amnistie ; en fait, pour Mikis d’une « liberté surveillée » à Vrachati sur le golfe de Corinthe. Il termine la composition d’O Ilios kai o Chronos, écrit ses premières Chansons de Lutte (Tragoudia tou Agona), puis Ta Laika, les Chansons pour Andreas, dont Imaste Duo, et État de siège.

Le 17 août 1968, trois jours après l’attentat d’Alekos Panagoulis contre Papadopoulos, Theodorakis et sa famille sont assignés à résidence puis deporté à Zatouna en Arcadie. De là, Mikis envoie les chansons To Yelasto Paidi, I Lambri, Antonis de Mathausen et Omorphi Poli à Jacques Perrin pour le film Z.

Les radios étrangères se mobilisent pour alerter le monde occidental de la situation dans laquelle se trouve Theodorakis qui arrive à transmettre des chansons et des documents.

C’est dans ce village que Theodorakis compose l’essentiel des Arkadia I à IX.

Le 26 octobre 1969, Theodorakis est transféré au camp d’Oropos pour soi-disant pouvoir être soigné. Il s’y oppose aux détenus communistes orthodoxes et son deuxième poumon est atteint de la tuberculose. La presse occidentale s’émeut de son état de santé. Le 13 avril 1970, Jean-Jacques Servan-Schreiber obtient la libération de Mikis Theodorakis. A Paris, l’accueil est indescriptible. Mais les jours suivants J.J.S.S. déclare dans Le Monde que Theodorakis lui a déclaré qu’il n’est plus communiste !  Theodorakis dément quelques jours plus tard. Et il tente de réunir tous les mouvements de résistance. Le 14 octobre 1971, il entame une tournée mondiale mas il ne se contente pas de jouer sa musique ; il explique le sens des textes et leur genèse. Son message musical devient message universel. Mais les puissances occidentales continuent de soutenir la dictature : en octobre 1971, le vice-président des Etats-Unis salue « les acquis de la Grèce sous le gouvernement actuel » et ajoute que les fournitures d’armes à la Grèce sont « pour les USA une question d’importance majeure ».

Le 5 mars, constatant que « le peuple… a perdu confiance dans les personnalités et les mouvements politiques traditionnels », Theodorakis quitte le Parti communiste intérieur. Il veut s’appuyer sur une « unité nouvelle », la base du peuple. Et il demande la création de « Comités du peuple ».

En 1973, il compose les 18 chansons de la Patrie Amère dont la plupart sur des paroles écrites en captivité à Léros par Iannis Ritsos, puis, le Canto General -en espagnol- sur des paroles de Pablo Neruda qu’il terminera en 1981.

Le 1er juin 1973, Papadopoulos abolit la monarchie et se proclame Président de la République. Il se montre plus conciliant (amnistie générale pour les prisonniers politiques à condition qu’ils se taisent !). Mais le 17 novembre, il ordonne à l’armée de tirer sur les étudiants de l’Ecole polytechnique (200 morts). Papadopoulos est démis de ses fonctions le 25 novembre et remplacé par Ghizikis. La répression reprend de plus belle ! Et la résistance : Theodorakis proclame la « violence révolutionnaire ».

Dans ce pays en crise, le régime a besoin d’une action spectaculaire : rattacher Chypre à la Grèce et pour cela éliminer son Président, Mgr Makarios. Le coup d’Etat du 15 juillet 1974 échoue.  La Turquie envoie l’armée à Chypre. Et l’Amérique abandonne la junte. Le 23 juillet, Ghizikis fait venir Karamanlis à Athènes à bord d’un avion mis à disposition par le Président de la République française, Giscard d’Estaing. Theodorakis le suit quelques jours plus tard. La foule en liesse l’accueille. Athènes retentit de ses chansons. La Grèce recouvre la liberté.

Theodorakis rêve d’une unité de la gauche mais Papandréou n’en veut pas.

Les 10 et 11 octobre, Theodorakis donne deux concerts au stade Karaïskakis devant 80000 spectateurs enthousiastes.

Aux élections du 17 novembre 1974, Karamanlis l’emporte. La Gauche unie de Theodorakis atteint 9,4% des voix mais Theodorakis lui-même n’est pas élu.

En 1977, il joue les Ballades et pendant l’été donne tous les soirs un concert au Lycabète puis dans toute la Grèce. C’est un triomphe avec les meilleurs musiciens, choeurs et chanteurs (Farandouri, Bithikotsis, Kaloyannis, Zorbala, Pandis…) et avec une révélation, Ta Lyrica.

Le 20 novembre ont lieu des élections législatives anticipées. La Nea Dimokratia de Karamanlis reste au pouvoir et le PASOK d’Andreas Papandreou devient le premier parti d’opposition alors que le KKE (Parti communiste de l’extérieur) progresse. Theodorakis demande l’unité de tous les communistes autour du KKE.

En 1979, Theodorakis présente Axion Esti à Stockholm puis à Paris.

Fin 1980, victime de calomnies de plus en plus violentes, il retourne à Paris et se consacre à la musique. En Grèce, Karamanlis devient Président de la République, Papandreou attend les législatives de 1981.

Au 1er janvier 1981, la Grèce devient le 10eme membre de la CEE.

A l’automne 1981, Theodorakis revient en Grèce et en politique : aux élections législatives, il est élu député du Pirée tout comme Mélina Mercouri.

Axion Esti et Canto General remportent un succès extraordinaire sur la scène internationale. Suivent d’autres œuvres : la Deuxième Symphonie, le Chant de la Terre…

Mais la situation politique de Theodorakis devient conflictuelle avec Papandréou et même avec la Ministre de la Culture Mélina Mercouri.

Aux élections de 1985, il est tête de liste des communistes grecs et réélu.

Il compose La passion des Sadducéens, Dionysos, Phaedra, la Septième Symphonie (1984), la Quatrième Symphonie (1986) …

En 1987, il crée un opéra, Kostas Karyotakis ; et en1988, le ballet Zorba il Greco, une œuvre de commande de la direction du Festival des Arènes de Vérone.

Aux élections municipales de 1986, c’est la débâcle pour le PASOK. Theodorakis fonde les « Amitiés gréco-turques » ; il est accusé de trahison par la Droite ; malgré cela il donne des concerts avec des chanteurs turcs comme Livaneli ; à Istanbul, il est fêté comme un héros. Et Papandreou lui confie un rôle de médiateur avec la Turquie.

En 1988 éclate l’affaire Koskotas, un banquier en faillite qui aurait versé des pots-de-vin à des membres du gouvernement. C’en est trop pour Theodorakis qui rencontre Mitsotakis (ND) et appelle à la formation d’un gouvernement droite-gauche pour sauver la Grèce.

Aux élections de juin 1989, aucun parti n’obtient la majorité : le KKE participe au gouvernement avec la ND (les 16 millions de fichiers établis contre la Gauche par la police secrète depuis 1940 sont enfin brûlés). A celles d’avril 1990, Mitsotakis emporte la majorité absolue. Tout en soutenant Mitsotakis durant la campagne électorale, Theodorakis est resté indépendant.  Mitsotakis nomme Theodorakis ministre d’Etat sans portefeuille. Andreas Papandréou le présente comme « le plus grand traître de l’histoire grecque depuis 2000 ans ». Avec une tournée de concerts dans toute la Grèce, Theodorakis lance une grande campagne au profit de la lutte contre la drogue. Mélina Mercouri l’accuse d’avoir travaillé à son propre profit.

En mars 1992, il quitte volontairement le gouvernement et en 1993 il remet son mandat de parlementaire.

A leur demande, il prend la direction des choristes et musiciens de la Radio d’Etat Hellénique (ERT). Il reprend ses concerts en Grèce et à l’étranger, dont les USA et le Chili où il peut enfin produire son Canto General

En octobre 1993, Papandreou revient au pouvoir. Theodorakis remet sa démission de la direction d’ERT. Sans réponse du gouvernement, il remet sa démission définitive un an plus tard et dénonce la mainmise des magnats grecs sur la culture.

Dans la première moitié des années 90, il se consacre à l’opéra avec Elektra et Medea ; il compose aussi une œuvre pour les Jeux Olympiques de 1992 à Barcelone, Canto Olympico.

En 1994, il compose Politia C’, une suite aux Politia A’ et B’, et Politia D’.

En 1997, il entreprend une tournée européenne des « Concerts pour la Paix » avec le chanteur turc Livaneli. Tournée interrompue en raison de l’état de santé de Mikis.

Il redonne quelques concerts ; s’engage contre la guerre au Kosovo ; son œuvre est saluée et reconnue dans de nombreuses émissions de télévision et de par le monde.

Il crée sa dernière tragédie lyrique Antigone en 1999 et son premier opéra-comique Lysistrata en 2003.

Source : Mikis Theodorakis, une Vie pour la Grèce de Guy Wagner

Additif (source : Wikipedia) :

En 2010, il crée le mouvement des citoyens indépendants « Spitha ».

En 2011, au début de la crise grecque, il lance un appel aux peuples européens pour « bâtir une Europe nouvelle, démocratique, prospère, pacifique, digne de son histoire, de ses luttes et de son esprit » en résistant « au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l’Europe…, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme. »

Mikis Theodorakis est mort le 2 septembre 2021 et, selon son vœu,  il sera enterré à Galatas près de Chania.