A lire: un article de Héraklès Galanakis (cofondateur de l’association).

Au moment où j’écris cet article, ont eu lieu au moins trois séismes. Une quasi habitude depuis le début juin. J’étais à cet endroit quand, le 27 septembre passé à 9h17 du matin, la maison a commencé à danser, les livres à tomber sur ma tête, les verres et la tasse à café prendre leur retraite définitive et moi, en voulant aller vers la porte, à avancer comme si j’avais bu plusieurs verres de raki, l’eau de vie crétoise.

Ce séisme n’était pas un séisme quelconque :  6,0 Richter selon l’Institut Euro-méditerranéen, et 5,8 selon l’Observatoire d’Athènes ; et son épicentre se trouve à quelques kilomètres de mon village Archontiko, un des villages touchés parmi bien d’autres. Selon le sismologue Gerassimos Papadopoulos, directeur des Recherches de l’Observatoire d’Athènes, c’est le tremblement de terre le plus fort enregistré avec des instruments appropriés depuis 1900 sur la région terrestre de Crète.  De forts séismes, il y en a eu sous terre, mais jamais d’aussi forts sur la terre de Crète.

D’après l’Institut ITCHAK qui dispose d’un réseau permanent d’accélérographes installés sur tout le territoire grec, le séisme d’Archalochori est arrivé à sa plus grande accélération de terre à l’indice 0,82 qui selon le séismologue Akis Tselentis est la plus grand jamais enregistré en Grèce, car à l’indice 1 « on décolle de la terre ». Ce séisme a été suivi par bien d’autres comme d’habitude, mais celui du lendemain a été de 5,3 sur l’échelle de Richter et a provoqué des dégâts supplémentaires. Jusqu’au 29 septembre, ont suivi 14 séismes à plus de 4 sur l’échelle de Richter. Et la terre continue toujours de trembler…

Les dégâts.

Les 27 et 28 septembre, on ne pouvait plus traverser la plupart des routes d’Archalochori et des villages touchés de la Mairie Minoa-Pediada et d’autres Mairies voisines. La région semblait avoir été touchée par des bombardements ! Selon la section géographique de l’Université Harokopio d’Athènes, le terrain d’Archalochori a subi un abaissement du sol estimé à 21 centimètres. On a déploré un mort, un artisan qui travaillait dans la petite église du prophète Elie, vieille de plus de 100 ans, une sorte d’emblème d’Archalochori, et 20 blessés dont la plupart conduits aux hôpitaux d’Héraklion.

En réponse à une question des députés de Syriza et du Parti Communiste quant aux effets du séisme sur la vie et les propriétés des habitants, le Sous-Ministre des Infrastructures et des Transports Giorgos Karagiannis a déclaré : « Sur 11 500 « autopsies », 5553 sont habitables, 6152 non habitables ; 23 écoles ont subi des dégâts étendus et sont hors d’usage ; sur 420 bâtiments publics, 189 sont habitables, 180 ont besoin de réparations et 51 sont à démolir. »

Ces résultats ne sont pas définitifs : la deuxième équipe d’ingénieurs qui visite l’intérieur des maisons et bâtiments n’a pas encore vu tous les villages alors que la première équipe ne voyait que l’extérieur des bâtiments.

Mobilisations.

Le lendemain du séisme, le Premier Ministre Kyriakos Mitsotakis – en visite officielle à Paris- s’est rendu à Archalochori et a annoncé 12 mesures en faveur des habitants et entrepreneurs touchés. Des tentes ont été installées à Archalochori, dans mon village et dans d’autres villages pour héberger des gens. Un site a été créé. Toutes les victimes du séisme pouvaient et peuvent y déclarer les dégâts subis. Au début, leur compte a été crédité des sommes estimées dès le lendemain. Ces aides ne doivent toutefois pas être utilisées avant que le gouvernement ne donne son autorisation ; et toute somme non justifiée par des preuves concrètes sera retournée au Trésor public.

La Grèce a connu les Mémorandums pour presque 10 ans qui l’ont affaiblie sur les plans économique et démographique puisque plus de 450 000 personnes qualifiées de 25 à 40 ans ont dû partir pour chercher du travail et une meilleure vie ailleurs. Au moment où elle allait sortir la tête de l’eau, est arrivée la covid19, puis les pluies torrentielles et les incendies où des maisons ont été emportées ou brûlées. Et à présent les séismes en Crète depuis 4 mois et demi. Jusqu’à quand ? La Grèce est affaiblie économiquement et les gens sont très fatigués, découragés et exsangues en raison de ces situations douloureuses. Avec le séisme dans notre région, les gens ont perdu leur travail, leur maison et, malgré les annonces gouvernementales, les gens ne sont ni optimistes ni rassurés.  La région d’Archalochori risque de subir le même choc que la Grèce avec les Memorandums. Les gens commencent à partir pour trouver un travail, un logement et une école pour leurs enfants. En visite à Archalochori, le chef de l’opposition et président de Syriza a souligné que les habitants de cette région touchée ne doivent pas être abandonnés pour devenir des émigrés dans leur propre pays.

Heureusement, ce désastre a provoqué la solidarité des gens, des volontaires, des associations, des pouvoirs locaux, de la Région, de l’Église. Les dons en habits et aliments sont arrivés et arrivent en quantité. Les gens touchées sont nourries jusqu’à maintenant par l’Église et par la Mairie subventionnée par l’État. Plusieurs personnes ont été hébergées dans des hôtels, des maisons mises à disposition ou chez leurs enfants. Mais combien de temps cela durera-t-il ? Car l’hiver arrive et la Mairie annonce déjà qu’elle n’a pas suffisamment d’argent pour nourrir les gens et que la reconstruction tardera, surtout pour ceux qui n’ont pas d’argent.

La cause du séisme.

Selon les géologues et les sismologues, les séismes fréquents en Crète et dans les environs sont dus à l’avancée de la plaque africaine sous la Crète. Pour les habitants de la région, sont en cause l’actuelle construction de l’aéroport et celle plus ancienne d’un barrage. Ces craintes et doutes sont renforcées par l’habitude de l’entreprise d’agir sans aucun respect des règles et sans que les gens sachent ce qui se passe dans leur région. Silence « dictatorial ». Les habitants disent que c’est la première fois que nous avons tant de séismes d’une durée aussi longue. Il est même relevé avec beaucoup de retard que la région de Pediada était sismique avec des fractures en activité et qu’on n’a jamais tenu compte de l’avis des sismologues. Le professeur de sismologie de l’Université de Patras Akis Tselentis, à qui on avait demandé à la fin des années 90 si la Mairie de Kastelli pouvait construire un petit barrage, avait répondu non, car la région de Pediada, où les séismes se déroulent actuellement, ne pouvait pas supporter de grands travaux de construction.

Lui-même, un des rares sismologues à dénoncer la compagnie de ne pas avoir tenu compte des études et de l’avis des sismologues, déclare publiquement qu’il était pour que l’aéroport actuel d’Héraklion reste à sa place parce que la fracture souterraine d’Héraklion n’y est pas en activité contrairement à celle de la région de la Pediada. On sait aussi que le progrès des chercheurs et des universitaires dépend des subventions de l’État et de la Région même si elles viennent de l’Union européenne. Marios Dionelis, le correspondant permanent en Crète du journal Efimerida de Syntakton, un des rares journalistes à publier l’avis et le combat des habitants contre la construction de l’aéroport dans cette région fertile, ne croit pas que les séismes sont liés aux travaux de l’aéroport, car les explosions ne sont pas profondes. Peut-être, disent certains chercheurs, sont-ils liés au barrage. Minas Andreadakis ex-président de la Commune qui fait partie aujourd’hui de la Mairie Minoa, déclare qu’en 1994 la Préfecture lui avait communiqué une lettre adressée à la Mairie voisine d’Archanes qui demandait de ne pas puiser trop d’eau car l’effondrement de la terre était inévitable. En tant que Président de la Commune et habitant de la région, il présente un argumentaire avec des faits constatés qui lient les séismes et les bruits qui les accompagnent aux travaux de l’aéroport et du barrage.

Aucun débat, aucune information sur cette question ! Les Maires, le Président de la Région, les gouvernements précédent et actuel sont pour la construction de l’aéroport ! Le Ministre d’État Giorgos Gerapetritis, très proche et homme de confiance de Kyriakos Mitsotakis, est marié avec la fille du vice-président de la compagnie TERNA, propriétaire de l’aéroport. Sont actionnaires de cette compagnie le pétrolier Vardis Vardinogiannis, la banquière Marianna Latsi,  soeur du propriétaire d’Eurobank, et Evangelos Marinakis, armateur, propriétaire d‘un groupe de presse et de l’équipe de football Olympiakos ! A chacun sa conclusion … On peut comprendre pourquoi la Banque Européenne d’Investissement a oublié sa raison d’être et finance la construction de cet aéroport inutile, dangereux et anti environnemental. « Vive » la démocratie libérale !

« Vive » la lutte contre la crise écologique ! « Vive » la liberté et les droits de l’homme des Grecs et surtout, dans notre cas, celle des Crétois…

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A noter: au moment où est publié cet article, il est à noter qu’un séisme de magnitude 5,7 a été enregistré mercredi 29 décembre, avec une réplique de 5,3 dans la soirée. 

L’épicentre du premier séisme survenu à 05H08 GMT était situé en mer à 59 km de profondeur et à 48 km au sud-est d’Arvi, au sud d’Héraklion,  selon l’Observatoire d’Athènes.